Vote [Nyme & Annejline] Repas familiaux.

Charmant repas.

Quand j’arrivais à la maison, maman était toute pelotonnée sur le canapé, noir sur noir, comme un fondu enchaîné. Elle tenait ses mains serrées l’une contre l’autre écrasant un mouchoir déjà bien humide. Ma sœur Mireille était à ses côtés, un bras autour de ses épaules, l’autre sous son coude en réconfort mais à son air condescendant, on voyait bien qu’elle s’en fichait un peu et qu’elle n’attendait que la relève pour se sortir de là.
- « Oh maman, je suis désolée, ce pauvre Oscar ! » M’exclamai-je en m’agenouillant devant elle. Bon, c’est vrai, j’en rajoutais peut-être un peu, mais j’avais tant besoin de lui témoigner de l’affection.
En réponse je n’obtins qu’un sanglot retenu et elle enfouit son visage dans son mouchoir.
- « Bon, ben c’est pas tout ça », dit Mireille, « on va passer à table et Antoine n’est toujours pas arrivé ! Je vais voir où en est mon repas », dit-elle en se levant brutalement.
Maman tangua sur le canapé et j’en profitai pour m’y installer, tout contre elle dans l’espoir de récolter des miettes de tendresse. Mais elle resta immobile dans sa lividité, une larme oscillant entre les cils et le coin haut de sa pommette.

La porte s’ouvrit brutalement. « Salut la compagnie ! » tonitrua Antoine accompagnant son sourire d’une révérence et d’un grand geste théâtral de la main comme s’il agitait le chapeau de d’Artagnan. Maman parut reprendre un peu vie à son entrée. Elle fit mine de bouger pour se lever.
- « Ben alors ma p’tite maman, il t’en arrive bien des malheurs ! Ce pauvre Oscar ! », lui dit-il en lui prenant les mains et en l’aidant à s’extirper du canapé. Se dressant sur la pointe des pieds pour atteindre son cou elle l’enserra et cacha son visage dans le creux de son épaule. Antoine avait toujours été son chouchou, elle en était littéralement folle. On aurait pu découvrir qu’il était un tueur en série qu’elle lui trouverait encore des excuses. Je serrai les dents mais ne pus m’empêcher de lui lâcher un : « Tu es en retard, comme d’habitude !» méprisant.
- « Bonjour ma p’tite sœur chérie adorée », me rétorqua-t-il avec l’ironie dont il avait l’habitude. « J’étais à la pêche ! »
Avec un hoquet les sanglots de maman repartirent de plus belle dans le cou d’Antoine.
- « Allons maman, calme-toi. » lui dit-t-il, « comme on dit, un de perdu, dix de retrouvés ! ». Les sanglots redoublèrent d’intensité. « Eh, tu mouilles ma chemise là !»

- « A table ! » nous enjoint Mireille depuis la cuisine. Puis, avec impatience, à son fils apathique flanqué devant sa game machin ou game truc, « Allez Victor, a table j’ai dit ! »
Antoine installa maman en bout de table et s’assit à sa droite. Je laissai la place de gauche à ma sœur qui devait pouvoir facilement accéder à la cuisine, comme elle disait, et m’assis à côté d’Antoine. Victor vint installer son corps inexpressif, mou et flasque en face de moi.
- « Alors, quoi de neuf Mathilde ? » me lança Antoine.
- « Oh ben, rien de terrible mais, j’ai obtenu… »
- « Voilà ! » me coupa Mireille en arrivant avec un grand plat en inox, « Je vous ai préparé un tartare de saumon dont vous me direz des nouvelles ! »
Au bout de la table les épaules de maman s’affaissèrent et son menton tomba sur sa poitrine, quelques larmes se remirent à rouler, dans ses yeux. Je crois bien que j’étais la seule à m’en rendre compte.

- « Au fait Victor », demanda Antoine à son neveu « c’est bien une game-bidule que tu veux pour ton anniversaire, hein ? »
- « Yep » daigna répondre Victor.
- « Et c’est quand déjà ton anniversaire ? » demanda Antoine
- « C’est le 7 mars », répondit Mireille à la place de son fils, « il est poisson, comme moi ! » et elle se leva pour débarrasser l’entrée et apporter la suite.
« Tiens, en parlant de poissons, tu la connais celle-là », repris Antoine, à la cantonade, faisant fi de l’intérêt, ou non, que nous pourrions avoir à écouter sa blague :
« Deux poissons discutent :
- Comment ça va ?
- Pas bien du tout, je suis déprimé.
- Allez, prends donc un ver, ça va te remonter » et il partit d’un rire gargantuesque.
Je vis maman tressaillir encore et de nouveaux petits ruisseaux se formèrent dans ses ridules au coin des yeux.

- « Au fait, il était délicieux ton saumon Mireille ! » lança Antoine, en direction de la cuisine.
- « Ah, ravie que ça t’ai plu », répondit-elle, puis, passant la tête par l’entrebâillement de la porte, elle tendit un grand plat en porcelaine blanche par-dessus sa tête, telle la coupe de la victoire, et s’exclama radieuse « et voilà ma merveilleuse truite aux amandes, tada ! »
Les ruisseaux se transformèrent en rivières qui se rejoignirent en fleuves pour se déverser en cascades sur la poitrine de maman. Ses épaules se soulevaient en spasmes désordonnés et des « bouhouhou » sortaient de ses lèvres serrées que tamponnait le mouchoir trempé maintenant.
- « Allons Maman », lui décocha Antoine avec sa finesse habituelle. « Tu vas finir oui ? On te le remplacera ton Oscar ! Après tout, un poisson rouge en vaut bien un autre ! »

Ton texte est très prenant dès le début, déjà il n’y a pas de faute, et tu as très alterné entre les périodes de récit et de dialogue pour que ce dernier ait une importance dans le texte. De plus, j’ai beaucoup aimé l’ensemble des descriptions, toutes très bien détaillées, qui nous plonge rapidement dans cet environnement et dans l’ambiance de la scène. Le seul petit bémol que je verrais, est celui que ton texte parait plus axé vers la magie et la fête que vers le repas en lui-même, c’est dommage.

C’est un texte très sympathique que tu as écris là, il n’y a pas de faute et l’atmosphère du repas en famille est très bien respectée avec les dialogues aux sujets divers et l’ambiance générale du lieu. Les quelques petites descriptions sont bien placées dans ton récit pour ne pas trop empiéter sur l’importance des dialogues. J’aime beaucoup aimé la chute de la fin, qui finalement, fait ressortir encore plus le repas puisqu’il était apparemment basé surtout sur du poisson ^^. Peut-être que tu aurais dû plus accentuer sur l’odorat puisqu’une des protagonistes cuisinait en même temps, mais c’est vraiment un petit détail (et assez dur à mettre en place au milieu d’un dialogue).