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L'entrée chez les grands


C’était le lundi 3 septembre. Le ciel était gris. Il faisait sombre.
Julien avait peur. Non. Peur n’était pas le mot qui convenait. Il était angoissé. Il avait eu onze ans deux jours auparavant.
Sa mère, au moment de souffler ses bougies, l’avait embrassé sur le front en lui murmurant ces paroles : « Tu entres dans le monde des grands, mon chéri. Tu vas voir, c’est merveilleux. En commençant par la rentrée en sixième. » Ces mots, qui se voulaient rassurants, l’avaient grandement inquiété. Et son stress avait commencé à surgir, grandissant, toujours plus puissant…
Julien rajusta son sac à dos sur ses épaules. Il n’était plus un bébé. Il ne devait pas montrer son angoisse. Pourtant, ses mains moites, qui laissaient des traces humides sur les liens de son cartable, témoignaient du contraire.
Et s’il se retrouvait sans ami dans sa classe ?
Et si les professeurs étaient réellement méchants ?
Et si on avait oublié de l’inscrire sur les listes de classes ?
Et si… Tant de questions informulées qui ne trouvaient pas de réponses, amplifiant son propre émoi.
Julien arriva devant le portique rouillé du collège. Sa nouvelle école. Pourquoi ne pas rester en primaire toute sa vie ?
Il souffla, fermant les yeux, se convainquant qu’il n’y avait aucune raison d’avoir peur. Les professeurs ne sont pas des monstres sanguinaires. Pas plus que les élèves.
Il fit son premier pas dans la cour de récréation. Une foule de têtes se pressaient de tous les côtés. Il fut emporté malgré lui vers le centre de la récréation.
Là, se tenaient de grands panneaux d’affichage. Encadrés de bois et remplis de liège, les pieds aussi grands que le nouveau collégien, ils semblaient écraser de toute leur prestance les nouveaux et inviter les anciens.
Julien se redressa. Il se mit sur la pointe des pieds pour essayer de lire les prénoms inscrits sur les grandes affiches qui étaient accrochées, un nœud dans l’estomac. Il fut bousculé de chaque côté, pressé contre les corps des autres élèves. Il lisait désespérément les noms de chaque élève, triés par classes, cherchant le sien.
Sixième A, sixième B, sixième C… Il n’y avait que quatre sixièmes.
Il commença à chercher son prénom dans la sixième D, plus angoissé que jamais.
Soudain, il le trouva. Ecrit au milieu de tant d’autres prénoms. Un couinement rassuré s’échappa de sa bouche.
Il se faufila hors de la masse qui affluait vers les panneaux, qui n’étaient plus si impressionnants que ça, et s’approcha de la porte du bâtiment. Il y avait un autre problème. Il ne savait pas quelle était sa salle.
Il erra quelques instants dans le couloir du rez-de-chaussée, sentant la boule de stress se reformer dans son ventre au fur et à mesure que les minutes passaient. Il allait arriver en retard, il en était certain.
« Julien ! »
L’appel le tira de ses pensées, et il se retourna plus vite qu’il ne l’aurait voulu, un air inquiet peint sur le visage. Son interlocutrice était une fille qu’il connaissait depuis le CP. Il se prit à espérer qu’elle pourrait l’aider.
« Julien ! Dans quelle classe tu es ?
- Sixième D, chuchota-t-il malgré lui.
- Quoi ? »
Il répéta plus fort.
« Je suis dans la même classe ! s’écria la fille, ravie. Tu sais où c’est ? »
Il hocha négativement la tête. La fille se mit à rire en voyant l’air désespéré de Julien.
« Fais pas cette tête, c’est pas grave. Moi, je sais, j’ai demandé à un surveillant. »
Elle partit en courant vers l’aile droite du bâtiment et Julien se dépêcha de lui emboîter le pas. Ils arrivèrent bientôt devant une petite salle de cours. Une dizaine d’élèves étaient déjà là.
Il en reconnut deux.
Quand il leva la tête, il constata avec soulagement que ni l’enseignante, ni le reste de la classe n’avait l’aspect de monstre.