[Votes] Dialogue de créatures

« Il était une fois quatre saisons. Chacune avait ses propres représentants sur Terre. Au fils du temps, de nombreuses créatures peuplaient les rêves des enfants endormis. Au printemps, les cloches envahissaient les jardins, laissant derrière elle des délices chocolatés. L’été et son lot de fées voyaient éclore les fleurs et pousser les fruits. En automne, des créatures plus effrayantes les unes que les autres s’emparaient du monde pour réveiller les morts. Et l’hiver … Quelle douce saison remplie de joie. C’était la période de Noël. Le père Noël, accompagné de lutins, faisait le tour du monde et distribuait des cadeaux aux enfants sages. »

- Oh non, maman ! Encore ! Encore ! Ne ferme pas le livre …
- Non, mon chéri, il est l’heure de se coucher.

Après avoir insisté, en vain, Jean embrassa sa mère et ferma les yeux. Il s’endormit et fit de drôles de rêves.

*

« Laissez-moi partir ! »

Un vieil homme, tout habillé de rouge, avec une longue barbe blanche, était enfermé dans une cellule. Mais il n’était plus celui que tout le monde connaissait. Son manteau, jadis immaculé, était troué à diverse endroits. Sa barbe était toute emmêlée. Même son ventre avait perdu de sa prestance, comme s’il ne se nourrissait plus.

Personne ne lui répondit. Personne d’humain. Seul le vent frais d’Octobre vint lui chatouiller les oreilles. Il avait pour seules compagnies des insectes qui grouillaient à ses côtés. Et soudain, un son terrifiant se fit entendre. Un hurlement résonna dans la nuit. Dieu seul savait à quel créature atroce il pouvait appartenir.

Et se fut comme un signal. Les cafards se rassemblèrent en une masse informe et qui devint soudain un corps, avec deux bras, puis deux jambes. Les retardataires se regroupèrent ensuite en ce qu’on pourrait appeler une tête. Et tous les insectes disparurent, comme par magie. A la place se tenait un homme, d’une beauté à couper le souffle.

« Tu ne peux pas te taire, mon vieux ? Tu as effrayé mes cafards.
- Mais … vous êtes quoi ?
- Tu ne sais donc pas que la curiosité est un vilain défaut, vieille branche ? On ne vous apprend donc rien, dans le monde de Noël ? »

Il replaça une mèche derrière son oreille. Le vieil homme en profita pour l’observer. Il avait tout d’une gravure de mode, une gueule d’ange, des muscles là où il fallait. C’était le fantasme des femmes personnifié.

« Mais comme je suis bien éduqué, je vais répondre à ta question. Dans l’imaginaire, je suis le monstre qui se cache dans les placards, la nuit, quand les enfants dorment. Et si l’un d’eux se réveille, mes cafards se chargent de le dévorer. Mais tu sais, vieille branche, je ne suis pas le seul. Il y a aussi les fantômes. Mais eux sont tout à fait inoffensifs. Et bien d’autres encore …
- Mais où suis-je tombé ?
- Bienvenue au monde d’Halloween, mon vieux …
- Mais pourquoi ?
- A vrai dire, c’est Noël qui nous intéresse ... »

Le vieil homme n’en crut pas ses oreilles. On l’avait kidnappé, arraché à sa famille et à ses amis et enfermé dans une prison, tout ça pour une simple conversation !

« Et vous avez n’auriez pas pu venir chez moi, plutôt ?
- Vois-tu Père Noël, ici, c’est Halloween ! Nous ne sommes pas réputés pour notre bonté d’âme …
- Bon, de toute façon, je suis coincé ici. Autant me rendre utile.
- Sage décision …
- D’abord, Noël est la partie d’un tout, vois-tu ? Noël ne serait rien sans sa saison, l’hiver. A partir du 21 décembre, les créatures de l’automne sont reléguées aux fonds des mémoires. Les lutins de Noël prennent leur place. Le temps évolue lui aussi. Le vent et la pluie sont remplacés par des temps plus froids et l’apparition de la neige. Elle recouvre tout d’un beau manteau blanc. Bien sûr, il ne faut pas attendre longtemps avant que les humains ne gâchent le paysage. Mais ça, c’est une autre histoire.
- Mais il n’y a pas que ça, hein mon vieux ?
- Non, bien sûr … Le 25 décembre, c’est là qu’apparaît Noël. Les crèches, préparées quelques semaines avant, accueillent un nouvel être : le petit enfant Jésus. Et moi, j’interviens dans la nuit juste avant ce magnifique évènement. Avec mes rennes et mon traineau, je fais le tour du monde et je distribue des cadeaux à tous les enfants, petits et grands, peu importe s’ils ont été sages ou non.
- Mais tu parlais des crèches. C’est quoi ?
- C’est un symbole de Noël. C’est l’étable qui accueille la naissance de l’enfant prodige. Il sera entouré de son père, Josèphe, sa mère, Marie, de rois mages, d’un cheval et d’un bœuf. Mais un deuxième symbole est aussi présent dans les foyers. C’est le sapin de Noël. Il est choisi avec soin, même si parfois il est synthétique. Les familles prennent un soin particulier à le décorer. Il est entouré de guirlandes, ornés de boules et à son sommet trône l’étoile de Bethléem qui guidera les rois mages vers le lieu de naissance de l’enfant Jésus.
- Mais n’y a-t-il pas des cérémonies culinaires en hiver ?
- Et oui, comme pour toutes les saisons. Tu as les repas de fêtes de Noël et du jour de l’an, la bûche de Noël, la galette des rois ou encore les chocolats de la Saint-Valentin. »

Le jeune homme était rêveur. Il fallait dire qu’en automne, il y avait un peu moins de choses.

~ Dans une petite vallée, reposaient deux animaux divins. Lesquels, me direz-vous. Je ne saurais pas répondre à votre question.
Enfin si, mais la réponse va vous paraître folle, car vous ne les connaissez peut-être pas: ces animaux sont mythologiques. Ce sont des Satyres.
Pour ceux qui ne connaissent pas ces créatures, ce sont des bêtes mi-hommes, mi-boucs. Leurs nom sont «Picus» et «Faunus», ils sont respectivement père et fils. Le fils, Faunus, parle à son père.~
« Père, j’ai entendu parler d’une chose froide, belle et douce. Elle se trouve plus au nord de chez nous, son nom est hiver. Qu'en pensez-vous ?
- Ce que j’en pense ? Je n’en pense rien. Je ne l’ai jamais rencontré. Comme tu le dis, cette chose est à l’opposé d’ou nous sommes actuellement. En toute logique, nous ne pourrons jamais la voir, ni la toucher.
- Père, j’aimerais y aller moi, au nord ! Rester ici avec Bacchus n’est pas très enchantant. Si ce n’est voir l’ivresse de toutes ces gens, les fêtes à pas d’heure ne sont pas pour moi.
- T’entends-tu ? Quel est le fol qui t’a mis une telle idée en tête ?!
- Père ! Le «fol» dont vous parlez, c’est moi ! L’hiver est fait pour moi !»
Picus haussa le ton.
«Tu ne sais pas ce que tu dis ! C’est ici chez nous, c’est notre place ! Nos ancêtres vivaient là, et ce n’est pas par hasard !
- Père, je vous en conjure ! Laissez-moi y aller !
- Non, je ne te laisserai pas y aller !
- Mais, Père ! Si il vous plaît !
- Non !
- Mais Père ! Si vous en aviez entendu parler, je suis sûr que vous m’auriez laisser !
- Je t’ai dit non ! Veux-tu que je le répète encore une fois ?!»
Faunus baissa les yeux.
«Maintenant allons à la fête, et ne m’en parle plus.» continua Picus

Après s’être courtement préparés, ils allèrent à la fête.

«Je peux y aller, c’est maintenant ou jamais.» Se dit Faunus
Petit à petit, il s’écarta de Picus. Arrivé à une certaine distance, il prit discrètement sa flûte de pan qui était au sol, et se précipita dans les bois.
«Je suis libre... LIIIIBRE !!!» pensa-t-il
Au bout de quelques jours de marche, Faunus la vit. Elle est la plus belle chose qu'il n’ai jamais vu. Avec un blanc plat, froid et brillant, l’hiver l’impressionne.
«C’est... Wooo....» murmure-t-il lentement
Ce sont les seuls mots qu'il put sortir de sa bouche. Il n’avait jamais imaginé l’hiver si imposant. L’hiver est une chose magnifique. L’hiver est d’un blanc immaculé. L’hiver est d’une fraîcheur incroyable. L’hiver est, tout simplement, ce qui lui va le mieux.
Tout à coup, quelque chose tomba du ciel, et se posa sur la tête de Faunus. Puis des dizaines et des centaines d’autres la suivirent. Il ne fallut pas plus que cinq ou six minutes pour qu'il en tombe des milliers d’autres. Faunus resta une dizaine de minutes à comprendre ce qui se passait. Il neige. Il neige, mais Faunus ne le sait pas. Il n’a jamais entendu parler de la neige. Il contemple simplement ce qui se passe. C’est, pour lui, un spectacle extraordinaire. Il courut dans la neige, qui recouvrait déjà, une bonne partie du sol. Il se roula dedans, en riant. Le jeune satyre se releva et se tapota pour enlever la neige qu"il avait partout sur lui.
«Brrr... C’est froid !» dit-il
Il ria de plus belle, et se rejeta dans la neige. Il joua de sa flûte de pan, et cria:
«Cet endroit est merveilleux !»
Deux jours passèrent, et Faunus ne se souciait plus de rien. Il passait son temps à jouer de la flûte, à courir et à se rouler dans la neige. Malheureusement, Picus, s’étant inquiété de son absence, était parti à sa recherche. Il retrouva son fils endormi dans la neige, à côté de sa flûte.
«Faunus !» dit-il
«Faunus, réveilles-toi !» cria Picus
«FAUNUS ! DEBOUUT !» hurla-t-il dans l’oreille de son interlocuteur
Faunus sursauta en se réveillant, tellement son père hurlait fort dans ses oreilles.
«Qu..quoi ?» dit Faunus, très mal réveillé
«Tu rentres à la maison, avec moi, et tu ne discutes pas ! A partir de maintenant, tu seras sous haute protection ! Je ne veux plus que tu quittes la maison !!» le gronda son père
Rien qu’à l’idée de rentrer, et de laisser tout ça, tout son bonheur ici, et ne plus jamais y revenir, Faunus se leva brusquement et dit à son père:
«Non. Non, je ne rentrerais pas. C’est ici ma place, c’est ici ma maison. Je ne partirais pas d’ici. Ni vous, ni personne ne pourra m’en empêcher.
- Si tu crois que ta mère va te laisser rester ici, tu te trompe lourdement.
- Mère est au courant ?
- Bien sûr.
- Donc, je.. Je crois que je vais rentrer finalement.
- Je te retrouve bien là, mon fils. N’oublies pas ta flûte !» lui rappela Picus

Faunus jeta un dernier coup d’oeil derrière lui, et rentra à la maison avec son père...