[Lyson & Stern] Rupture amoureuse

Rougeoyant 

Pensées perdues dans une minute de silence, ou de solitude, devant la cheminée…

Depuis ton départ, chaque pas m’a menée vers une nouvelle dimension. J’ai traversé mille paysages, croisé mille regards, aucun n’avait ta profondeur, ta taille, ta splendeur. 

Tu souris.

Chaque jour qui passe m’oblige à me lever, à regarder le soleil, à me demander ce qu’il fout là, levé sur la cime des arbres, le toit des immeubles, la tête des passants. Les rues sont longues et sans but, les journées ennuyeuses et sans salut. Renouvelées à chaque fois sans l’étoilement de ta présence, elles restent muettes, dénuées de sens, dépouillées d’intérêt. 

Tu souris.

Je te sais quelque part sur cette planète, mais tes rayons ne doivent plus m’atteindre, car je m’éteins. Je suis feu, je suis cendre. Je me sais cendre, je te sais feu. 

Tu souris.

Le feu ennemi du feu, il s’étouffe en brûlant, au paroxysme de sa gloire.

Tu souris.

Ma peau brûle. Les ongles qui l’ont lacérée au comble de mon désespoir étaient les miens. Les dents qui l’ont entamée, les symboles qui y sont tracés. Tout ça m’appartient. C’est mon œuvre, mon existence. Chaque matin, tout a disparu, il faut recommencer, recréer les rouges arabesques qui m’évitent de penser.

Tu souris.

Toi, au loin, loin de moi, loin de tout ça, tu vis. Tu es heureux. Tu es heureux, sans moi. Tu es heureux, tu reste le feu, tant que ta gloire n’est pas là. Cendre. La cendre ne brûle plus. Je ne brûle plus, seule mon enveloppe brûle et rougeoie. Elle cessera bientôt, je serais libérée. Cendre de la cendre, je retourne à moi-même, à cette cendre qui déjà recouvre ce que nous avions créé.

Ma Marie,

J'ai enfin fini par t'écouter. Ca y est, je ne suis plus avec Damien. Nous avons rompu ce matin, même si ça me fait mal au cœur. Je l'aimais, tu sais ... Mais je n'ai pas envie de te perdre. Tu m'as demandée de choisir entre lui et toi. Je t'ai choisie. J'espère ne pas le regretter.

Mais tu sais, mon amour, quelque chose ne me plaît pas. Ce matin, j'ai trouvé Damien un peu étrange, comme s'il n'était pas dans son état normal. Peut-être qu'il se doutait de quelque chose. Il faut dire que j'ai préparé notre rupture pour tenter de minimiser sa souffrance. Peut-être qu'il est tombé sur mes brouillons. Tu me connais, Marie. Il faut toujours que je note tout ce qui me passe par la tête. Et je suis tellement distraite que parfois, je laisse traîner mes petits papiers derrière moi. Ceci me fait penser qu'il faudrait que je m'achète un cahier où je pourrais tout noter sans que les personnes autour de moi ne puissent tomber dessus par hasard. Car parfois, mes mots sont très personnels.

Bref, j'avais écrit un petit discours (de quelques pages). Mais arrivée devant lui, je me suis mise à douter. Qu'étais-je en train de faire ? Voulais-je vraiment détruire cinq ans de relations, comme ça, alors que tout allait bien entre nous ? En fait, pas si bien puisque je t'ai rencontrée et aimée. Tu sais Marie, ça a été très difficile, pour moi, de rompre. Il était devant moi, triste, ses longs cheveux blonds dégageant son charmant visage. Un voile était tombé sur son regard, lui donnant un air inaccessible. Et cet air a failli me faire craquer. J'ai failli renoncer. Renoncer à rompre. Renoncer à toi. Mais quelques mots ont réussi à sortir de ma bouche. "Je ne t'aime plus". Ce n'était pas la pure vérité. Mais je les ai prononcés comme un automate, sans mettre de sentiments. Puis je regardais à nouveau mon premier amour dans les yeux. Je n'y décelais rien, aucune émotion. C'est comme si je lui annonçais qu'il allait faire beau, aujourd'hui.

Il s'est retourné, sans un mot. Puis il s'est éloigné. C'est là que j'ai su que c'était vraiment terminé. Et ça m'a fait mal au coeur. Il a vraiment compté pour moi. Mais j'ai eu l'impression que c'était comme si l'on ne s'était jamais connu, que l'on avait jamais vécu ensemble, ri et pleuré, partageant nos joies, nos doutes et nos peines. Tout ça balayé par quelques mots, que je n'aurais peut-être jamais dû prononcer. Mais maintenant, c'est fait. Je me console en me disant que maintenant, je t'ai, ma Marie. Et c'est bien tout ce qui compte.

Je t'aime
Ta petite Eleonore.