[votes] La peur

L'obscurité était totale : évidemment, je ne supportais aucune lumière pour m'endormir. Depuis ce cliquetis de clé dans la serrure il y a quelques minutes, j'étais comme paralysée. Mes membres ne répondaient plus alors qu'une agitation certaine animait mon esprit. Que faire ? Si je posais un seul orteil sur le sol, le parquet me trahirait et le téléphone était trop loin. Soudain, je reconnus le grincement familier de la porte d'entrée et ma respiration se stoppa net.
À l'occasion de leur vacances à l'étranger, je passais quelques jours dans l'immense maison de mes parents : un vieux manoir au fin fond de la campagne qui m'avait toujours donné la chair de poule.
J'entendis la porte claquer et des pas au rez-de-chaussé : qui pouvait être là ? Un cambrioleur ? Non cette personne avait les clés. Un voisin ? Pas à trois heures du matin. Je n'entendais plus rien. Pas un bruit. À part le vent qui soulevait les tas de feuilles mortes dehors et de tous petits pas au dessus de ma tête – des souris surement – le silence était total.
Tout à coup, je pus savoir exactement où il était et ce qu'il faisait. Je connaissais cette maison comme ma poche et ce craquement signifiait que quelqu'un venait de poser un pied sur la sixième marche du grand escalier. Il venait donc au premier étage. Une fois sur le palier, s'il allait à droite, il me trouverait. Je prenais mon visage entre mes mains moites. Mon cœur battait la chamade. Je respirait difficilement. Était-ce mon imagination qui me jouait des tours ou bien un homme s'était-il introduit chez moi ? J'entendais les marches craquer les unes après les autres, puis un raclement de gorge qui ne pouvait être attribué à la vieille maison de mon enfance. Je sursautais et ma gorge laissa échapper un petit cri. J'entendis bientôt la poignée de porte se tourner. Je pris alors conscience de la crispation de chacun de mes muscles. La porte s'ouvrit et je pouvais deviner des pas dans ma direction. Comme une enfant, je me cachais sous mes couvertures, me faisant la plus petite et la plus immobile possible. Il était là, je pouvais sentir son souffle au dessus de moi. L'angoisse était oppressante. Sa main venait de se poser sur le lit et elle tâtonnait. J'aurais du me lever, courir vers le téléphone il y a un bon moment, mais les regrets ne me mèneraient nul part.
Un éclat de rire brisa le lourd silence :
« Bah alors sœurette, on a peur du noir maintenant ? »