Oh ! douce Andalousie
La météo est oune chose étrange. Elle change, remoue et bascoule. Un jour, il fait beau. Un autre, il pleut. C’est comme ça, ça a toujours été comme ça, ça sera toujours comme ça. Ça ne changera jamais.
C’est l’Espagne, ma terre natale, qui me l’a appris. Mon Andalousie est capricieuse ; plus qu’
oune gamine de cinq ans ou qu’
oune fillette gâtée de douze ans. Elle fait à sa guise. Elle n’écoute pas la plainte de sa
popoulation ; elle ne prête pas attention aux gémissements des nouveaux nés ; elle n’a que faire des cris rauques des vieillards.
La sécheresse, elle sait y faire. Le soleil brille des jours et des jours, impérial. Il
broule les moissons qui ne sont pas protégées par les serres, assèche les petits torrents que l’on trouve dans les montagnes, craquèle la terre ocre et poussiéreuse que l’espagnol de base connaît.
Paradoxalement, la
plouie, les averses, les orages, elle maîtrise aussi. Quand il a fait trop lourd pendant des jours, quand l’air
houmide et chaud se fait
insoupportable, quand la peau
broulée réclame grâce. Alors, agacée par tant de
souppliques et tant de
brouits, l’Andalousie craque. De colère, de
froustation, d’exaspération. Son ciel s'abat
sour notre tête. L’eau nous tombe
dessous et nous fait mal, nous refroidit et nous rend malade.
Et les plaintes reprennent, lancinantes, irritantes. Et l’Andalousie gronde
plous fort,
plous longtemps,
plous rageusement.
Les hommes ne sont jamais contents. C’est ce que semblent clamer les roulements
dou tonnerre que j’entends, au loin. C’est ce que semblent
mourmourer les remous des
nouages noirs que je vois, au
dessous de moi. C’est ce que semble
hourler la
natoure entière, autour de moi et au-delà.
C’est ainsi que, d’
houmeur joyeuse et avenante, l’Andalousie brille par son soleil. Les gens partent pique-niquer, heureux. Ils cherchent un coin d’ombre – tâche compliquée. Finalement, l’olivier qui se dresse, là, seul, fier et
majestoueux, fait parfaitement l’affaire. Ils étalent leur nappe – carreaux rouge et blanc,
ounie, ou de paille. Leurs
tapas et leurs
fichas sont savamment arrangés
dessous, les bouteilles fraîches vidées en quelques
minoutes, les pastèques
jouteuses assemblées dans le saladier.
Les rirent
fousent, carillonnent et résonnent. Un vent léger se lève. La fraîcheur qu’il apporte est appréciée – pourquoi s’inquiéter ? On enlève les
chaussoures, on tourne dans les robes, on remet les chapeaux. Courses
amousantes,
discoussions entraînantes, bien-être reposant.
Pouis, les pleurs d’un bébé.
Je ne sais pas si vous faites partie de ces gens qui aiment, qui adorent, qui
adoulent les bébés. Si vous faites partie de ces gens qui les chérissent si bien et si fort, que tout –
absoloument tout – ce qui vient d’eux vous paraît merveilleux. De ces gens qui savourent le chant d’un pleur, qui profitent des rires innocents et qui vénèrent les
balboutiements.
L’Andalousie, elle, ne
soupporte pas ces caprices infantiles. Elle aime les enfants – ils deviennent
ensouite adoultes et la font prospérer. Mais les bébés et leurs gazouillements, elle les
soupporte difficilement.
Alors, quand ces larmes tombent et que ces cris retentissent, la douce Andalousie passe
dou rire aux cris – cris de colère. Le vent, autrefois si doux, forcit et balaie la poussière. Les
nouages, jadis inexistants, s’amoncèlent et menacent. Parfois, dans un
soursaut de mauvaise
houmeur, l’Andalousie s’agite et les éclairs crépitent.
Les pique-niqueurs se recroquevillent sous leur olivier. Ils veulent échapper à la pluie, à son eau, à son froid – peine
perdoue. Les gouttes tenaces trouvent leur chemin parmi les feuilles, entre les branches, contre le tronc. Et elles tombent, d’abord
oune par
oune pouis plous violemment, harmonieusement,
mousicalement. Leur symphonie agresse les oreilles. Leur mélodie malmène les tympans. Leur
obscourité envahit le paysage.
Et le tonnerre tonne, la foudre tombe, les arbres explosent. Les espagnols, paniqués, restent là, planqué sous leur olivier. Il tient bon, envers et contre tout. Sa ramure craque, son feuillage
brouisse – résistance.
La crise se calme. Il faut
oune heure, deux heures, parfois
plous, mais tout finit toujours par se calmer. Et la famille est là, apeurée, traumatisée, mais elle est là. Elle a
ou de la chance, elle est inconsciente, mais elle est là.
Le ciel retrouve de sa
poureté d’antan, la brise chasse les
nouages, la chaleur accable le pays.
Et à nouveau, l’Andalousie sourit.