Les fines gouttes de pluies ruisselaient sur mon visage fraîchement maquillé, dévalant avec arrogance mes joues peintes d’un blush pêche nacrée de chez Chanel. Elles se nichèrent dans mon cou, maculant à mon grand désespoir le col ivoire de mon superbe tailleur en soie pure. J’étais affligée ! Une fois encore, j’avais oublié mon parapluie, et la pluie pouvait désormais m’être à mal ma tenue soigneusement composée pendant plus de trois heures. Cependant, le pire dans cette histoire était le fait que bien à l’abri chez-moi, reposait ce parfait  parapluie haute couture, noir laqué et bordé de large dentelle argent qui s’harmonisait à merveille avec ma tenue. Oh que c’était mal me connaître de croire que quelques petites gouttes d’eau suffiraient à entacher mon allure vestimentaire ! Erreur, en toute circonstance je suis toujours la plus classe. Aussi, décidais-je que le seul moyen de contrer cet incident était de m’acheter un autre parapluie bien  plus magnifique et qui s’accorderait à merveille avec mes habits.
C’était donc une heure plus tard que je me retrouvais à la caisse d’une charmante boutique de luxe, arborant un chic parapluie doré, parsemé d’étoiles noires scintillantes. Le ténébreux vendeur encaissait mes achats tandis que j’admirais son costard Yves Saint Laurent gris anthracite. Prête à partir, j’actionnais la poignée quand soudain, mon regard s’attarda sur le miroir d’entrée, reflétant ma silhouette. Et là ce fut le drame, la pire horreur qui m’ais été donné de voir depuis bien longtemps. Je fis volte-face à m’observai avec attention. Le constat était sans appel ; ma divine trouvaille ne s’accordait absolument pas avec ma tenue. Ma journée était une véritable torture et commençais à virer au cauchemar. Toutefois, il m’avait suffi d’un court moment pour remédier à ce désagrément. Il était évident que mes escarpins noirs de jais convenaient parfaitement et que le problème venait de ma jupe à volants lavande en Vichy qui dépareillait avec le reste. Et pour achever le look hit-fashion que je m’éreintais à concevoir il n’y avait à mes yeux qu’un seul vêtement qui pouvait convenir. Une sublime petite robe noire ! Oui j’en étais certaine. Je sortis précipitamment du magasin, dévalant les marches pour regagner la ruelle.
A ma connaissance il n’y avait qu’un lieu qui regorgeait de boutiques de vêtements de luxe et je le rejoignais presque une demi-heure plus tard. La large rue piétonne était bordée de nombreux commerces chics aux devantures soignées et accueillantes. Je m’engouffrais dans l’un d’eux pleine d’espoir et hélais une vendeuse. C’était bredouille que j’en ressortis quelques minutes plus tard. À peine fus-je dehors que je pénétrai dans une autre boutique, mais en vain. J’accédais aux autres commerces, les uns après les autres, désespérément, et sans ne jamais rien trouver. Nullement abattue, je me représentais plus en détail cette magnifique petite robe noire, que je convoitais tant. D’une couleur d’ébène, l’ourlet en broderie chic m’arrivant au-dessus du genou et dévoilant ainsi subtilement mes longues et fines jambes, un décolleté carré et de fines bretelles en dentelles. Une fois au bout de la rue, toutes les boutiques explorées et le soleil commençant à se coucher, je dus me rendre à l’évidence, je n’avais absolument rien déniché.
Coulante de transpiration, le teint défraîchi et les ongles écaillés, je ne me souvenais même plus de la raison pour laquelle j’étais sortie de chez moi le matin même. L’image de la somptueuse robe noire m’apparus en tête puis se déforma progressivement pour se mouvoir en un rond plein, muni de deux yeux terrifiants et d’une bouche ricanant sournoisement. Mon cœur s’accéléra et  les jambes flageolantes je rebroussais chemin pour rentrer. Apeurée devant cette vision d’angoisse qui persistait, je titubai et m’écroulai à terre. Cette fois-ci c’était une multitude de petites robes noires, toutes d’un model différent qui m’entouraient en flottant dans les airs, un sourire sarcastique dessiné sur le devant. Je me redressai lourdement tenta de reprendre mes esprits mais ma vision ce brouilla et je perdis connaissance.

Je me réveillai en sursaut, les mains moites et le cœur encore affolé. Le réveil affichait 6h30 et la voix grave du présentateur résonnait sur le poste radio.
« C’est ainsi que nous clôturons ce débat sur l’influence de la petite robe noire, symbole d’une élégance à la française et très populaire dans les années 20. » Un petit sourire aux lèvres j’augmentai le volume sonore pour savourer la chanson qui allait être diffusée et me dirigeai vers la salle de bain afin de me préparer avec minutie pour la journée.