[Cam & Stern] vampires contre lycanthropes

Asile psychiatrique. Dans la salle de séjour de l'institut, de petites tables rondes où les patients peuvent jouer aux cartes, lire un livre, papoter entre eux. De grandes baies vitrées sur le côté gauche, un long mur blanc du côté droit. C'est le matin, il est encore tôt, le soleil n'est pas encore levé sur le jardin, un homme et une femme l'un en face de l'autre sont assis sur une petite table dans un coin près des fenêtres. Ils ont l'air profondément concentré sur leur conversation, ils ont même l'air de tenir plus qu'une conversation, c'est un jeu, une partie de poker intransigeante.
Madame se nomme la comtesse Erzébeth Bathory. Elle est mince, une peau d'albâtre, de longs cheveux noirs lui tombant jusqu'aux reins, elle porte la longue chemise blanche de patient comme l'on porte une robe de bal, avec dignité, autorité, envergure.
Monsieur se nomme Peter Stumb. À demi accroupi sur sa chaise, les bras enroulés autour de ses genoux, un aspect bestial, avec sa barbe, ses cheveux longs et emmêlés, et ses ongles immenses, acérés comme des griffes, la robe de patient complètement décalé sur son corps imposant.

« Des filles, des filles belles, toute fraiches, vierges, si pures. L'une s'appelait Margot. L'autre Anaïs. Une troisième Gertrude. Les autres, je ne sais plus. C'était des filles du peuple, de celle qui disparaissent sans trop de soupçon.
_ Des filles ? Il est facile de trouver des filles. Des garçons, des garçons dans la fleur de l'âge, autour de 15-17 ans, toujours forts et costauds, toujours braves. Je les chassais dans la forêt habillé de peau de loups, longuement, jusqu'à ce qu'ils soient trop fatigué pour fuir. »
Ils se regardent. Les longues dents de la comtesse dépasse à peine sur ses lèvres framboise, elle sourit à l'évocation des jeunes filles. Monsieur la regarde avec une concentration extrême, attendant visiblement une réponse cinglante.

« Je prenais mon bain dans leur sang. 
_ Je m'ingéniais à les cuisiner avec génie. La chair humaine est délicieuse. »
2-2. Ils se regardent, elle plisse les yeux, il enfonce silencieusement ses griffes dans le bois de la table. D'autres marques témoignent d'autres conversations de ce genre, de longues griffures dans le bois, écaillant le vernis blanc.
« Je les torturais accrochés à des chaînes puis je les saignais. C'était beau à voir, ce sang rubis de ces êtres si pures coulant lentement dans les cuvettes. Mon bain de pierre rempli de sang me rendait euphorique. Imagine-toi, une baignoire de pierre blanche et à l'intérieur, recueilli là, le sang des jouvencelles.
_ Je les cuisinais, en ragout ou braisés, accompagnés de mille saveurs subtiles venus d'Orient et d'Asie. Je les accompagnais des meilleurs légumes, de carottes juteuses que je trempais dans leur sang avec délectation. As-tu déjà goûté à des carottes cuites à point trempées dans le sang ?
_ Le sang de boeuf me suffit bien s'il s'agit de le faire bouillir... »
3-2 pour la Comtesse. Monsieur est déstabilisé quelques instants, il la scrute, incertain de la tournure de la partie. Ses griffes s'enfoncent encore un peu plus dans le bois qui se met à couiner.

« 13 adolescents et quelques nourrissons, un fier record, n'est-ce pas ?
_ Ce n'est pas si mal, j'en conviens.
_ Pas si mal ? Et vous, combien avez-vous... ?
_ Allons mon cher, à chacun ses petites secrets. »
La comtesse lâche un rire de fillette en minaudant.
« Je vous ai bien révélé le mien.
_ C'est que je ne vous ai rien demandé.
_ Mais vous le savez, à présent.
_ Et je n'en ai cure, sachez-le.
_ En avez-vous donc tué tellement plus ?
_ Tellement... » Un sourire s'étire sur son visage.
Monsieur est franchement déstabilisé. Sa babine se redresse sur ses dents de carnassier.

« Je suis tombée sur un jeune garçon, un jour. Il était fort pour son âge et son père décédé peu avant lui avait laissé la charge d'une mère partiellement handicapée et d'un petit frère qui venait à peine de naître. Il passait au marché quand je l'ai croisé et j'en ai profité pour le suivre jusqu'à leur maisonnette. J'y suis entré à sa suite, j'ai cuisiné son petit frère le premier jour. De la délicieuse chair que celle d'un nourrisson. Je l'ai fait à la broche, croustillant à souhait. La mère et le frère sont restés attachés tandis que je m'asseyais à leur table. Le deuxième jour, j'ai cuit l'adolescent. Ce fut plus long, j'avais choisi un gratin pour le gamin, avec leurs pommes de terre toutes fraiches du jardin. J'ai assis la mère à la table, mais elle a refusé de dîner avec moi. Puis je suis parti, j'imagine qu'elle fut détachée par un de ses voisins et qu'elle vit toujours. Les femmes, ce n'est pas vraiment ma tasse de thé, trop sucré, vous savez.
_ Si vous y tenez tellement, très cher, je vais vous dévoiler mon score : 300. 300 jeunes filles vierges. »
4-2.

« La comtesse Sanglante... Vous méritez votre surnom. Je m'incline, Madame la Comtesse. »
Et se souriant une dernière fois, ils se quittèrent pour retourner dans leurs chambres respectives rêver à d'autres exploits.