[Votes] Chasse au trésor (n°2)

La poussière brûlante s’engouffre par la fenêtre ouverte et se colle sur notre peau. Je suis allongée sur le ventre, somnolant encore, nue, aussi loin que possible de son corps à lui, nos mains unies au milieu du lit. Hier encore, dans la fraicheur toute relative de la nuit bleue d’Afrique, nous fêtions notre arrivée d’un cocktail exotique. Noix de coco, ananas, rhum, servi dans une demie noix de coco sur une plage fabuleuse sous un de ces parasols en paille imitant le paradis.

Ce matin, une toute autre aventure commence. Une aventure préparée de longue date. Un rêve exaucé comme lune de miel. Je murmure un bonjour qui se perd sur mes lèvres asséchées. Du bout de la langue, je frotte mon palet pâteux et humecte mon menton d’un peu de salive.

« Chéri ? » Mon époux ouvre un œil vitreux et un sourire radieux illumine son visage.
« Tu es prête ? » Je lui rends son sourire.
« Depuis longtemps. »

Sur le sol de notre chambre attendent deux sacs de randonnées, des chaussures de marches et des chapeaux d’aventuriers. Trois grosses mouches noires vrombissent à mes oreilles, mes cheveux moites collent à mon cuir chevelu, je vois la transpiration perler sur son front. Avec lourdeur, je me tourne sur le flanc droit pour voir l’heure sur le vieux réveil posé sur un petit tabouret bancal. 06 :17. Il nous reste 10h pour atteindre le but. 10h à crapahuter dans la savane avec comme seule aide une carte dessinée à la main sur une feuille d’écolier froissée.

L’excitation pétille sous ma peau et dans l’extrémité de mes doigts. L’homme et moi nous levons, enfilons nos vêtements, endossons les lourds sacs à dos, enfonçons les chapeaux sur nos crânes. Avons-nous oublié quelque chose ? Eau, papiers, carte, rations de survie. Non, allons-y.

Des heures durant, nous cheminons dans la savane. Le soleil s’abat sur nous comme une méduse à cent têtes, nos mollets sont couverts de la fine poussière rouge du sentier. Nous essayons d’interpréter les dessins abstraits sur la carte, rebus redoutables, pour reconnaître les lieux. Le jeu est palpitant, interminable, à chaque village, à chaque croisement, une nouvelle inscription en pattes de mouche nous fait hésiter, frémir, repartir.

Enfin, après des heures de marche, nous atteignons un village en tout point identique aux précédents. Nos bras ne sont plus que deux membres brûlés par le soleil, une croute de poussière et de transpiration couvre nos jambes, nos lèvres sont craquelées.

« Nous voilà. » J’ai peine à y croire. Nous voilà ? « Viens ma chérie, allons chercher notre fille. »
Je regarde droit dans les yeux l’homme que j’ai épousé et me retourne vers le groupe de villageois qui lentement s’avance vers nous. « Oui. »

Quand nous avons envoyé notre dossier de candidature pour une adoption, qui aurait cru que nous trouverions notre trésor dans un village perdu d’Afrique.

« Qu’est-ce que tu fais ? »

Sa voix avait résonné dans ma tête et m’avait sortie de mes pensées. Max se penchait vers moi et regardait la carte que j’examinais attentivement depuis maintenant plus d’une heure. Je l’avais trouvée par hasard au moment d’aller chercher de l’eau au seul puits du village. Elle trainait là, comme abandonnée par son ancien propriétaire et c’était étrange à dire mais on aurait dit qu’elle voulait me trouver. Je l’ai donc ramassé et j’essayais désormais de la déchiffrer sans savoir pour le moins du monde ce qu’elle m’indiquerait.

« J’ai trouvé une carte, expliquai-je, je ne sais pas ce qu’elle représente mais elle contient des symboles bizarres et il y a une grosse croix rouge ici. »

Je me levai, et partie dans la direction que j’avais lu sur la carte. Je n’avais aucune envie que Max s’aventure avec moi. Il était trop jeune pour partir comme ça. Je fis quelque pas, puis me ravisai. Je ne pouvais partir sans de l’eau et à manger, qui sait ce que j’allais trouver et si j’allais revenir ? Je m’orientai vers le sud. La chaleur me tapait sur la tête. Je marchai dans un quasi désert, seule, entourés seulement de quelques oasis qui me sortaient parfois des grandes étendues de sable qui n’en finissaient pas.

Après plusieurs jours, j’ étais épuisée, lasse. Je sentai mes jambes romprent sous mon poids. La marche devenait plus difficile à chaque pas, mais pourquoi avais-je voulu m’entrainer là-dedans ? Je ne savais même pas ce que j’allais découvrir et là, je vis enfin ce qui m’attendait à la fin de mon périple. Devant moi, un lieu paradisiaque s’étendait. Je m’approchai pour mieux voir.

Des plantations se tenaient là, comment arrivait-elle à pousser ? Je n’en avais aucune idée, mais je savais que je ne rêvais pas. Un grand lac s’étendait autour d’immenses arbres, fleurs, buissons… tout était là, tout ce que ma famille, mon frère et moi avions toujours cherché, un lieu vivable parmi la terre sèche et infertile. C’est ici qu’il se trouvait, le paradis. Des couleurs, plein de couleurs, ça en faisait presque mal aux yeux, moi qui n’avait toujours connu que la misère, le fin sable doré et la paille des hutes. Alors, je repris tous les vivres nécessaires et je reparti, prête à aller chercher mon père, ma mère, ma grand-mère, mes oncles et mes tantes… et même tout mon village. Tout le village qui se trouve ici aujourd’hui en fin de compte. On vit ici, on grandit ici, c’est chez nous maintenant, et je me dis que si je n’avais jamais trouvée cette carte, ce parchemin, ce petit bout de papier qui a changé ma vie, rien ne serait arrivé. Vous ne trouvez pas ça beau, vous ?

« Si grand-mère, c’est beau, ça l’a toujours été, et ça le sera toujours. C’est grâce à toi tout ça. Merci de nous l’avoir offert, cette endroit. Tu peux nous raconter l’histoire encore une fois ? »