[vote] la ville au futur

Chers amis, de retour dans notre village, je suis heureux de serrer vos mains. Laissons la visioconférence aux ultra-urbains. Venez près de moi pour le récit de mon petit séjour dans la grande cité de notre cosmopole.

Comme vous le savez, notre noyau inter-urbain –prenant exemple sur les communautés de communes de nos aÏeuls-, s’étend maintenant sur plusieurs centaines de kilomètres. Il est loin, le temps où l’on pouvait se contenter, pour en faire le tour, du métro aérien sur ses coussins d’air, piloté par ces bons vieux « Marcels », nom que j’aimais donner à ces fichus humanoïdes. Parfaits pour le boulot, ceux-là, mais pour rigoler et boire un coup, il n’y avait plus personne. (gloussements de rire et murmures approbateurs dans l’assistance). Comme vous, je suis heureux de leur quasi-extinction.

Dire qu’il y a eu des gens, voilà quelques siècles, pour croire qu’ils se généraliseraient ! On a même, à l’époque, fait des films annonçant la prise de pouvoir sur l’homme par les robots ! (rires redoublés). Il est vrai que l’homme a toujours aimé se faire peur, et qu’à ce moment-là personne n’avait envisagé la renaissance, inespérée mais bienvenue, des anciennes capacités humaines que sont la télépathie et le pouvoir de la pensée grâce à l’énergie du cerveau. Cela nous a considérablement simplifié la vie !

C’est cette énergie qui fit décoller mon avionef –nous étions tout juste dix voyageurs-, dont le parcours automatisé, balisé par un GPS dernière génération, nous mena à bon port. Qu’ils sont silencieux, maintenant qu’ils sont faits de kryotonite et alimentés par du thécatron ! Quelle relaxation de méninges ! De là-haut, on a une vue superbe sur les plantations entourant nos cités. Saviez-vous que nos vignes, elles aussi, bénéficient du dernier modèle de robot jardinier ? Comme dans les serres et jardins publics, il analyse l’état du sol et de l’air pour doser l’arrosage automatique et déposer sa chimie végétalisée permettant l’éclosion des insectes anti-nuisibles, pour des cultures plus bio que jamais. Tout cela au pied des tours de verronite, qui se fondent dans le paysage avec leurs couleurs cristallines et leurs lignes incurvées.

Autrefois, existait ce que l’on appelait « la campagne ». Désormais, accroissement de la population oblige, ville et champs cohabitent et s’interpénètrent presque partout. Nous vivons dans l’un des derniers hameaux de ce pays ! Je me félicite pourtant du démantèlement des anciennes routes et autres rails de chemins de fer, qui encombraient le territoire. Comment a-t-on pu se déplacer sur d’aussi longues distances, en rase-motte et sur ces surfaces rudes ? Sans compter l’air pollué légué par nos ancêtres, ces inconséquents !

Finalement, l’extinction des énergies fossiles a eu du bon, tout comme l’évolution des mentalités. Débarrassées de ces gabegies ambulantes, nos villes sont devenues plus respirables et nos récoltes, plus saines. Sur place, au cours de mes promenades, j’ai vu quantité de nouveaux petits potagers cultivés par les habitants, en lieu et place des anciens parkings. Chaque foyer possède un ou plusieurs mini-robots (mini-Marcels, ai-je envie de dire !), fonctionnant à l’énergie solaire et polyvalents : cela va du recyclage des eaux usées au mini-scooter urbain pour les personnes à mobilité réduite... Mais, tout comme ici, c’est l’énergie cérébrale qui déclenche, à la demande, les éclairages urbains, ascenseurs et portes automatiques des bâtiments. Durant des millénaires, on n’a appris qu’à marcher et lire, à présent, on apprend à utiliser son ciboulot !

Cependant nos p’tits Marcels restent bien utiles pour bloquer les pensées malveillantes que certains, par jeu ou bêtise, aiment projeter vers certains lieux particuliers, tels les services de santé spécialisés. Ce sont nos anti-virus actuels ! On trouve dans ces services beaucoup de Marcels vérifiant les prises de sangs et scanners faits avec nos ipadons personnels ; ceux-là même qui vous donnent la météo, stockent vos diplômes et livres préférés. C’est là aussi que se nichent les derniers humanoïdes encore en activité : ils expérimentent les médicaments de demain et même les cosmétiques, tests pour lesquels on utilisait autrefois... je vous le donne en mille... des animaux. (consternation de l’auditoire). Oui, chers amis... Et nos ancêtres enseignaient à leurs enfants que, les barbares, c’était avant eux ! (agitation et paroles outrées dans l’assistance).

Fort heureusement, notre monde n’est plus le même aujourd’hui. A tous les niveaux ! Voyez l’automatisation actuelle de toutes ces tâches rébarbatives autrefois effectuées par l’humain : dans les rues, comme dans les rares immeubles de bureaux –devenus quasiment inutiles depuis que le télétravail et les professions indépendantes se sont généralisés- on croise des Marcels occupés au nettoyage et aux contrôles sanitaires. Au besoin, ils peuvent même tuer dans l’oeuf un début d’incendie et envoyer des alertes télépathiques. L’informatisation généralisée ayant chamboulé nos modes de vie, on ne se déplace plus guère hors de son quartier, sauf pour aller assister, en tramway, aux grands évènements sportifs ou culturels. Pour le reste, ce bon vieil internet fait parfaitement l’affaire.

Cependant, mes enfants me réclament un séjour à la montagne, où l’on trouve encore quelques petits trains régionaux faisant des parcours touristiques : j’ai ouï dire que sa conduite est encore humaine : une curiosité ! Ce sera donc mon prochain déplacement, que, cette fois encore, je vous conterai avec joie !

LE TÉMOIN

Il coinça l'intrus au moment où celui-ci allait franchir le porche d'un hall d'immeuble. Sans égards pour l'homme, il lui fit une clef de bras qui l'immobilisa sur le ventre, lui mit les menottes, se releva et dit aux mécas : « Procédure terminée ». Il amena le fraudeur jusqu'aux enceintes du quartier et le confia aux barrages. Sa journée terminée, dans le métro bondé qui le ramenait dans son quartier pauvre, il songea brièvement à cette mission. Le pauvre con qui avait tenté de franchir l'enceinte du quartier riche allait se faire passer à tabac avant d'être expulsé en périphérie du quartier pauvre. Dès le début il n'avait eu aucune chance. Escalader l'enceinte n'était pas compliqué mais ensuite il fallait se mouvoir sans déclencher l'alerte d'une des bornes biométriques disséminées en ville. L'alerte donnée remontait au poste de contrôle et ils l'envoyaient, lui et quelques mécas, partir pister l'intrus et l'interpeller. En général, ils finissaient par les trouver. Cela faisait un bail que les pauvres les plus déterminés à s'en sortir, étaient impuissants contre le système.

Il passa la soirée dans son petit appartement HLM à mater des séries ineptes sur le câble. Il profita de la pause pub pour s'accouder un moment au balcon et retrouva une fois de plus dans son champs de vision la publicité géante pour Coca-Soda. Les marques avaient dévoré le peu d'espace restant et rappelaient leur règne aux zones défavorisées. Il songea qu'à moins d'une promotion incertaine dans les services de sécurité, il serait condamné à passer le reste de sa vie dans ce minuscule appartement. Encore avait-il eu de la chance de dégoter cette location dans une zone moins défavorisée que les autres, à la faveur de son statut d'agent de sécurité quand les services de police publics avaient disparu. Comme bien d'autres de sa génération, il avait grandi dans le quartier avant que celui-ci, sous la pression démographique venue du centre de la capitale, soit assailli par des promoteurs et transformé en quartier huppé. Façades ravalées, appartement miteux refaits, rues rénovées... Ceux qui n'avaient pas les moyens de s'adapter aux nouveaux loyers furent expulsés. Le quartier se vida en deux ans de ses habitants d'origine pour en accueillir de bien plus aisés. Les autres furent relégués à la nouvelle périphérie spécialement créée pour eux à base de bidonvilles et de HLM précaires. La bonne vieille ségrégation du fric à l'oeuvre.

Le lendemain, il reprit son métro en sens inverse et commença sa journée en s'attardant à regarder le flux aux portes du quartier. Impossible d'entrer si on n'avait pas le précieux sésame délivré par la préfecture, et les candidats étaient nombreux. Les mécas contrôlaient leurs passeports biométriques, écartaient sans ménagement ceux qui n'en avaient pas ou plus à jour. La plupart des pauvres autorisés à entrer ici l'étaient pour le travail : femmes de ménage, serveurs, employés... Ce qui n'empêchait pas une proportion non négligeable de fraudeurs à tenter leur chance avec de faux papiers vendus à prix d'or dont l'efficacité restait à prouver. Les mécas en filtraient la majorité.

Il démarra sa patrouille de jour à 8heures. Il était équipé d'un boîtier portatif à la ceinture. Ses lunettes, des viseurs high-tech, analysaient quantité d'information en temps réel, déshabillant toute personne dans son champs de vision, capables de détecter si elle portait une arme et si elle en avait le droit. Il était flanqué de deux mécas. Ces dernières années, on avait dépensé un argent fou pour les rendre le plus humain possible, gommer leurs mouvements raides, et leur donner un aspect humanoïde. Même leur voix avait fait l'objet d'un travail de doublage minutieux : il était difficile de reconnaître des robots.

Sa patrouille se déroula sans incidents notables de 8 à 10 et de 10 à 12. A 12h15, il reçut le message habituel lui signalant une intrusion. Ils se précipitèrent.

Probablement encore un de ces apprentis trafiquants venu fourguer leur mauvaise came dans les quartiers huppés. Celui-là leur donna du fil à retordre sur près d'un kilomètre. Visiblement il connaissait le quartier. Heureusement les deux robots et lui étaient du genre tenace. Ils finirent par le repérer et s'en rapprochèrent d'assez près. La poursuite touchait à sa fin. Il décida de sortir son flingue et le braqua droit dans le dos du clandestin.

-Sécurité intérieure ! Arrête-toi !

L'homme stoppa et se retourna. Et en moins d'une seconde, malgré la barbe qui lui mangeait le visage et les habits de contrefaçon, il le reconnut.

-Mark ?

L'homme le fixa avec un air méchant.

Oui, c'était bien lui. Il repensa à cette époque où Mark et lui étaient encore des flics, amis d'enfance. Quelques années avant que les services publics disparaissent et que la totalité des flics du pays pointent au chômage. Lui avait eu la chance de trouver à se recaser dans les milices de sécurité urbaine qui commençaient à éclore un peu partout. Mark n'avait probablement pas eu cette chance. Quel long naufrage avait-il vécu avant d'échouer ?

Cet instant de rêverie lui fut fatal. L'homme esquissa un geste, un calibre apparut dans sa main droite. Il n'entendit même pas la détonation, il s'effondra au sol avant d'avoir compris ce qui arrivait.

Pour le rescapé des villes heureuses de jadis, le temps de vivre était terminé.

C'est un texte très intéressant que tu as fait Phinae, déjà car il est très agréable à lire, il n'y a pas de fautes, et la manière que tu as d’écrire est fluide. De plus, toutes les descriptions que tu as faites (d’ailleurs, j’ai beaucoup aimé le fait qu’il y en ait eu autant )sur tout ce monde sont très prenantes et nous poussent à vouloir en savoir plus sur ce drôle de futur où tout est prévu et organisé. En tout cas, tu as vraiment tout bien pensé pour ce texte. Le seul petit bémol que je vois, c’est qu’on ne sait pas trop qui parle, à qui, et comment les choses se passent chez lui, mais la contrainte des mots et du thème y sont peut-être pour quelque chose.

Ton texte aussi est très prenant et nous fait en demander plus. Il n’y a pas de fautes, et ton écriture est assez fluide à lire, car tu enchaines très bien les éléments. L’histoire en elle-même est vraiment bien menée, et le changement de cette ville est très intéressant, on se pose beaucoup de questions et on s’immerge dans ce monde très rapidement par ton récit et les descriptions. Le seul petit bémol serait d’avoir peu joué sur le côté robotisé (on s’attend à voir des machines complexes un peu partout, mais je peux comprendre que ce n’était pas ton intention non plus ^^), et d’avoir peut être peu décris la ville en elle-même mais surtout les activités et les actions qui s’y déroulent. Bien sûr, ça ne gâche en rien la qualité de ton texte, c’est du point de vue du thème.